LIBERER Germain RUKUKI, OPPORTUNITE A SAISIR POUR LE BURUNDI


Par  Mary Lawlor, Rapporteuse spéciale des Nations unies sur les défenseurs des droits humains dans une tribune accordée par Jeune Afrique.

La visite en Europe du ministre burundais des Affaires étrangères est l’occasion de plaider la cause de Germain Rukuki, défenseur des droits humains emprisonné depuis quatre ans.

Au cours des prochains jours, le ministre burundais des Affaires étrangères, Albert Shingiro, arrive en Europe pour rencontrer de hauts responsables du gouvernement. Ceux-ci pourraient vouloir lui poser des questions sur Germain Rukuki, qui purge actuellement une peine de trente-deux ans de prison au Burundi pour son action pacifique en faveur des droits humains. Il en a déjà purgé près de quatre, loin de sa femme et de ses trois fils, dont le dernier – qu’il n’a jamais vu – est né après son arrestation.

Défenseur des droits humains

Germain Rukuki n’est pas un criminel. Il est reconnu internationalement pour son travail en faveur des droits humains dans la région, sur tout le continent et au-delà.  Il est également le fondateur de Njabutsa Tujane, un groupe communautaire qui lutte contre la pauvreté et améliore l’accès aux soins à la santé. Au moment de son arrestation en juillet 2017, il était employé de l’Association des juristes catholiques du Burundi (AJCB). Pendant de nombreuses années, il a travaillé comme comptable pour l’Acat-Burundi, une organisation qui fait campagne contre la torture et la peine de mort.  

IL A ÉTÉ CONDAMNÉ À LA PEINE LA PLUS LOURDE JAMAIS INFLIGÉE À UN DÉFENSEUR DES DROITS HUMAINS DANS L’HISTOIRE DU PAYS

J’ai reçu des rapports inquiétants sur son procès qui s’est déroulé à huis clos dans la prison de Ngozi, dans le nord du pays. Des charges ont été retenues contre lui à la dernière minute sans qu’une véritable enquête ait été menée, et ses avocats n’ont pas eu accès à certaines parties du dossier. Considéré coupable de « rébellion », de « menace à la sécurité de l’État », d’« atteinte à l’autorité de l’État » et de « participation à un mouvement insurrectionnel », il a été condamné à la peine la plus lourde jamais infligée à un défenseur des droits humains dans l’histoire du pays.

Les peines de longue durée prononcées à l’encontre des défenseurs des droits humains peuvent être dévastatrices pour eux, leurs familles et le mouvement national de défense de ces droits. Certains gouvernements utilisent cette tactique pour réduire au silence ceux œuvrant en ce sens et pour dissuader les autres de s’engager sur cette voie. 

Depuis que j’ai pris mes fonctions, il y a un an, j’ai entendu des défenseurs des droits humains du monde entier me raconter la manière dont leurs collègues ont été emprisonnés à tort, souvent pendant de nombreuses années. Mon prochain rapport à l’Assemblée générale des Nations unies, dans le courant de l’année, portera sur ces violations commises par plusieurs pays, dont le Burundi. 

L’Union européenne et ses États membres affirment que les droits humains et ceux les défendant sont importants. Les fonctionnaires qui rencontreront le ministre des Affaires étrangères du Burundi cette semaine devraient évoquer avec lui le cas de Germain Rukuki et lui rappeler que les défenseurs des droits humains ne doivent pas être pris pour cible en raison de leur travail.

Une libération immédiate et sans condition

Germain Rukuki n’est pas le seul défenseur des droits humains emprisonné au Burundi. Comme beaucoup d’autres États à travers le monde, le gouvernement de ce pays en inculpe d’autres pour des motifs fallacieux, leur accorde un procès inéquitable, puis les condamne à de nombreuses années de prison.  

Il s’agit, rappelons-le, de personnes qui défendent pacifiquement les droits des autres. Mon mandat a été établi par les Nations unies pour conseiller les États sur qui est ou n’est pas un défenseur des droits humains. Je sais que Germain Rukuki en est un, qu’il doit être libéré immédiatement et sans condition. Je continuerai à soulever son cas auprès du gouvernement du Burundi jusqu’à ce qu’il soit libéré. 

L’année dernière, avec d’autres experts indépendants de l’ONU, j’ai écrit au gouvernement du Burundi, soulignant l’arrestation injuste de Germain Rukuki et les irrégularités de son procès. Nous avons demandé sa libération immédiate. 

LA COUR SUPRÊME DU BURUNDI A REJETÉ LE VERDICT DE LA COUR D’APPEL CONFIRMANT SA CONDAMNATION

Dans un geste qui offre une lueur d’espoir pour commencer à réparer cette injustice flagrante, en juillet 2020, la Cour suprême du Burundi a rejeté le verdict de la Cour d’appel confirmant sa condamnation, et a demandé une nouvelle audience en appel. Elle est actuellement en train de délibérer sur l’affaire. 

Cette nouvelle audience offre au gouvernement une issue à l’impasse actuelle, une occasion de laisser Germain Rukuki retourner auprès de sa famille et à son travail. Les responsables européens devraient insister auprès du ministre des Affaires étrangères du Burundi pour que les autorités de son pays la saisissent. 

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